Est-il nécessaire de présenter Rubens Barrichello ? Un pilote brésilien qui a fait ses débuts en Formule 1 en 1993. Il a disputé 323 Grands Prix (jusqu’en 2011), remporté 11 victoires, signé 14 pole positions et surtout a été vice-champion en 2002 et 2004 avec Ferrari. Cette année, après une participation au Mans en 2017 avec Racing Team Nederland en LMP2, il était de retour dans le paddock manceau. Pas en tant que pilote mais en supporter et père d’Eduardo qui roulait sur l’Aston Martin Vantage LMGT3 n°10 de Racing Spirit of Léman. Endurance Live a eu le privilège de le rencontrer dans la semaine des 24 Heures du Mans…
Vous connaissez Le Mans, mais que représente cette course pour vous ?
« Je suis d’abord un passionné de course automobile. Pendant mon enfance, même si la télévision ne pouvait pas tout diffuser, il y avait Monaco, Le Mans et Indianapolis. J’ai donc pu regarder Le Mans à de nombreuses reprises. Ils ne diffusaient pas les 24 heures d’affilée car il n’y avait pas de chaîne pour cela, mais je continuais à allumer la télévision pour le voir. J’ai donc grandi avec quelque chose de particulier à propos de cet endroit pendant très longtemps. J’ai couru ici en Formule 3000 sur le circuit Bugatti puis suis revenu en 2017 pour courir. Mais mon rêve est sans aucun doute de pouvoir courir avec mes deux enfants. Je pense que je suis encore assez compétitif. Dudu (le surnom d’Eduardo) est déjà à un autre niveau, mais son frère progresse bien. Nous devons simplement continuer à travailler pour arriver à courir ensemble. J’aimerais pouvoir gagner Le Mans et courir avec mes enfants. »

Avez-vous eu le temps, pendant votre carrière en Formule 1, de vous tenir au courant ou d’avoir des nouvelles du Mans en parallèle des Grand Prix ?
« A l’époque où j’étais en Formule 1, il fallait se concentrer sur la discipline et on ne pouvait pas faire autre chose. Plus récemment, on a pu voir des pilotes comme Nico Hülkenberg, Fernando Alonso et tant d’autres noms qui l’ont fait. Quand je roulais en F1, les gens m’appelaient pour savoir si j’étais intéressé par Le Mans, Indianapolis, Dakar et je répondais : « Non, merci, je dois me concentrer sur la Formule 1 », mais j’aurais aimé. Quand je suis venu enfin courir au Mans, ce n’était pas une année compétitive pour l’équipe avec laquelle j’étais et même si j’étais super compétitif, ce n’était tout simplement pas possible. »
Qu’avez-vous fait depuis la F1 ?
« Beaucoup de personnes en Europe me demandent ce que j’ai fait après avoir arrêté la Formule 1. J’ai beaucoup couru, je n’ai jamais arrêté en fait. Cela fait déjà 13 ans que je fais du Stock Car au Brésil, j’ai couru un an en Indy. Je cours dans deux séries et je suis plus compétitif que jamais. C’est quelque chose qui me tient toujours très à cœur. »
Il a aussi disputé les 12 Heures de Sebring en 2016 pour le compte de Wayne Taylor Racing sur une Corvette DP avec Ricky Taylor, Jordan Taylor et Max Angelelli (photo ci-dessous)…

Que pensez-vous de la carrière d’Eduardo, votre fils ?
« Au début, il courait en Formule Régionale pour une équipe moyenne et il a réussi à monter sur le podium à Spa, décrocher la pole position en Autriche. Il était super, super compétitif mais ensuite, il m’a appelé pour me demander : « Papa, avons-nous des sponsors ou de l’argent pour passer dans une meilleure équipe ? » Et j’ai répondu : « Malheureusement non ! » C’était très cher et je ne pouvais pas me le permettre, alors il m’a demandé : « Est-ce que je peux courir en stock-car avec toi ? » J’ai répondu que c’était nouveau pour lui mais qu’on pouvait essayer. Il était aux anges et très bon quand il a couru avec cette voiture. Pendant deux ans, nous avons vécu une expérience formidable car avoir le père et le fils comme coéquipiers n’est pas chose facile, mais cela a été une sensation fantastique. Il était tellement compétitif que j’ai appelé un ami chez Aston Martin et je lui ai demandé s’il pouvait m’organiser un test. Ils m’ont répondu : « Oui, il y a un test de prévu, viens. De quoi d’autre as tu besoin ? » J’ai répondu que j’avais besoin de 10 tours pour mon fils. et ils m’ont dit d’accord, pas de problème. »

Nous y sommes allés. La piste était très mouillée, mais commençait à sécher. J’ai eu 15 minutes dans la voiture, Eduardo 15 aussi. Et j’ai dit : « La piste sèche, vous pouvez lui donner 30 minutes ? » Ils m’ont répondu : « Oui, mais tu es venu pour te montrer» et je leur ai rétorqué que je n’avais rien à prouver, qu’ils savaient de quoi j’étais capable. Alors Eduardo est monté dans l’auto et il était à moins d’un dixième de la pole position. Ce test a été fantastique, car même si nous n’avions pas les moyens de le faire courir en 2024, ils m’ont appelé pour me dire qu’ils voulaient le faire.
Pour moi, ce fut un moment spécial parce que je me souviens du jour où il m’a dit : « Papa, est-ce qu’on peut rester en Formule Régionale et est-ce qu’on a des sponsors ? » J’en pleurais de ne pouvoir l’aider. Et puis, il a reçu cet appel d’Aston Martin lui annonçant qu’ils voulaient l’engager. A Spa, quand il a placé cette voiture en P2 en qualif, depuis notre maison, on aurait dit que c’était la fin de la Coupe du Monde. J’ai failli ouvrir une bouteille de champagne. C’était tôt le matin, mais je peux vous dire que j’étais super, super heureux ! Il s’entend très bien avec l’équipe, remet le nom Barrichello au sommet et je suis super fier. »
A suivre…
