Sébastien Bourdais a une saison 2025 bien chargée avec deux engagements majeurs en endurance : l’un au sein du Cadillac Hertz Team JOTA en WEC, partageant le volant de la n°38 avec Jenson Button et Earl Bamber, et l’autre avec Tower Motorsports en IMSA, aux côtés de John Farano et Sebastian Alvarez. Ces programmes exigent une adaptation constante et des performances optimales pour viser la victoire. Pour Endurance Live, le Manceau livre ses impressions.
Après votre première course au Qatar, comment jugez-vous vos performances et votre adaptation chez JOTA ?
« C’était un vrai baptême du feu. Nouvelle équipe, très peu d’essais, et on n’avait jamais roulé tous les trois ensemble avec notre structure d’exploitation. Donc, arriver au Qatar pour la première manche du championnat du monde, honnêtement, on ne se sentait pas vraiment prêts. Heureusement, on a eu le Prologue, mais on a quand même beaucoup tâtonné sur les réglages. L’équipe a testé pas mal de choses pour comprendre le comportement de la voiture. Donc, globalement, je dirais que c’est un début plutôt correct. Côté performance, on a vu comme souvent que la voiture est très compétitive sur un tour. En qualif, on est là. Le souci majeur, c’est dans le trafic, on perd plus d’appui aérodynamique que les autres, ce qui nous rend moins compétitifs en course. »

Pensez-vous que Cadillac est en bonne position pour jouer la victoire au Mans ? Quelles seront les clés ?
« Franchement, gagner au Mans serait fantastique, mais je pense que ça reste un peu ambitieux pour cette année. Cela dit, on a vu l’an dernier qu’on était dans le match, et avec un peu plus de vitesse de pointe cette saison ce qui devrait être le cas avec la nouvelle configuration du moteur, on peut espérer être mieux placés. La clé sera vraiment d’optimiser notre package technique et humain, de ne rien laisser sur la table. Ce que j’espère surtout, c’est que 2025 soit une année de préparation solide, pour poser les bases d’une vraie saison de performance en 2026. Le projet a connu beaucoup de changements, notamment au niveau de l’équipe d’exploitation (Chip Ganassi Racing auparavant), donc on est encore en phase de construction. »
Quel regard portez-vous sur votre débuts de saison en IMSA ?
« En IMSA, c’est un début de saison un peu surréaliste. À Daytona, on n’a jamais été dans le rythme depuis notre accident en essais privés en novembre. Il nous manquait entre une demi-seconde et une seconde au tour. La nuit, quand les températures ont baissé, la voiture allait un peu mieux, mais dans l’ensemble, on a vraiment souffert de la dégradation des pneus. On a connu un moment chaud lors de mon premier restart : je me suis encastré dans deux LMP2 qui étaient à l’arrêt juste devant moi. Heureusement, ce n’était que de la carrosserie, mais ça aurait pu nous coûter la course. À Sebring, pareil, on n’était pas exceptionnels en rythme. On est restés dans le tour du leader avec difficulté, mais on est remontés, notamment grâce à deux bons restarts de Seb (Sebastian Alvarez). J’ai pu prendre la tête en jouant un peu sur la stratégie carburant, mais on savait qu’en cas de full green, on était un peu vulnérables. Finalement, on perd la victoire sur un cafouillage de la direction de course concernant les procédures de safety-car. Franchement, frustrant. Et pour couronner le tout, à Daytona, nous avons été déclassés pour 2 mm de planche arrière non conformes. Rien de malicieux, c’était clairement explicable, mais la nouvelle direction de l’IMSA semble très stricte, un peu à l’image du WEC. En résumé, malgré un manque de performance pur, on n’était pas si loin de pouvoir viser deux victoires en LMP2… C’est un peu paradoxal, mais ça montre qu’on reste dans le coup. »
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Vous pilotez une Cadillac Hypercar en WEC et une LMP2 en IMSA. Quelles sont les principales différences en termes de pilotage et de stratégie ?
« Les deux programmes n’ont rien à voir, que ce soit en termes de philosophie de course ou de comportement des voitures. En IMSA, c’est très dynamique avec les nombreux drapeaux jaunes. Rien n’est jamais perdu. En WEC, une fois que tu prends un tour, c’est quasiment terminé. Côté pilotage, c’est presque plus simple de passer de l’un à l’autre car les voitures sont totalement opposées. L’Hypercar est lourde, puissante, avec peu d’aéro, des pneus très performants mais difficiles à chauffer. En LMP2, on a une auto sous-puissante mais avec énormément d’appui et des pneus clients qui chauffent immédiatement. À Sebring, par exemple, en LMP2, tu peux attaquer direct en sortant des stands, alors qu’en Hypercar, il faut être très prudent, surtout quand il fait froid. Le pneu décroche d’un coup, sans prévenir. »
Avec votre expérience, envisagez-vous un rôle élargi dans le futur, au-delà du pilotage ?
« Honnêtement, non. Ce n’est pas encore dans mes réflexions. Je sais que je devrais probablement y penser, mais je ne suis pas comme ça. Si je commence à réfléchir à l’après, c’est que je ne suis plus pleinement engagé, et ce n’est pas le cas. J’aurai 47 ans fin 2026, donc oui, les opportunités seront de plus en plus rares, mais tant que je peux encore rouler, je le fais à fond. »

Si vous pouviez ajouter un circuit au calendrier du WEC ou de l’IMSA, lequel choisiriez-vous ?
« Ah, facile ! J’aimerais vraiment que le WEC aille à Suzuka. Je n’y ai jamais roulé, contrairement à Fuji, et je trouve qu’il est bien plus pur, plus naturel. Ce serait un « kiff » total. Pour l’IMSA, on a déjà de superbes circuits, c’est juste dommage que les LMP2 ne courent pas à Long Beach pour un manque de place dans la pitlane, et elles seraient probablement aussi rapides que les GTP. Mais sinon, rien à redire, on a beaucoup de chance avec les tracés américains. »