Filipe Albuquerque : « On apprend encore, mais la structure Cadillac sera solide au Mans »

Filipe Albuquerque entame un nouveau chapitre de sa carrière. Pilote expérimenté, le Portugais partage désormais son temps entre l’ELMS avec Nielsen Racing et l’IMSA avec Cadillac. Si les débuts avec la marque américaine sont encore en rodage, son objectif est clair : briller au Mans, enfin en Hypercar. Rencontre avec un pilote lucide, passionné et déterminé.

En IMSA, vous êtes toujours dans la même équipe mais avec un nouveau constructeur : Cadillac. Le début de saison a été difficile…

« C’est plus dur que ce qu’on pensait. On apprend encore la voiture. Elle est très différente de ce qu’on avait avant, mais je suis désolé, je ne peux pas rentrer dans les détails, vous comprendrez. Ce qui est sûr, c’est qu’à chaque fois qu’on monte dans l’auto, on apprend énormément. Ça reste une voiture de course, avec un moteur et quatre roues, mais les réglages et la voiture sont bien plus complexes. En Hypercar (ou GTP aux États-Unis), il y a une multitude de paramètres qui peuvent te perdre ou même travailler contre toi. Cadillac a aussi introduit un nouveau « joker », au niveau des systèmes électroniques, et ils l’apprennent en même temps que nous. Il faut rester humbles. La marque a été très performante les deux premières saisons, mais cette année, même Whelen Action Express n’a pas encore fait de podium. » 

Depuis l’interview Le Portugais est monté sur le podium à Detroit il y a quelques jours. 

Et en face, Porsche semble être la référence du moment…

« Exactement, qu’on le veuille ou non ! Ils ont bénéficié de la continuité. Ils ont construit la voiture dès le départ, elle n’était pas parfaite, mais ils l’ont améliorée. Ils ont aussi profité un peu de la BoP, mais surtout, ils maîtrisent tout : stratégie, setup, arrêts aux stands… Et surtout, ils n’ont rien changé depuis le début. Cela fait plus de trois ans qu’ils connaissent leur voiture, et ça, c’est un gros avantage. Chez Wayne Taylor, on apprend à travailler avec Dallara et Cadillac tout comme la marque apprend aussi à gérer ce nouveau joker. Tout cela, dans un championnat aussi compétitif, ça te pénalise. On parle parfois de deux dixièmes… et ça change tout. On a juste besoin qu’on nous laisse un peu de temps. « 

©️IMSA

Donc ce n’est pas aussi simple que de passer d’une Acura à une Cadillac ?

« Non, c’est bien plus compliqué. Ce n’est pas juste une histoire de voiture. Nous, les pilotes, on s’adapte, c’est notre métier. Mais là, on découvre encore de gros éléments à chaque week-end. Certains sont faciles à corriger, d’autres demandent plus de temps. »

Vous avez toujours rêvé de refaire Le Mans en catégorie reine. Cette fois, on vous imagine heureux ?

« Oui, très ! C’était mon rêve (depuis sa période Audi Sport en LMP1) et je pense que c’est la même chose pour tout le monde : on rêve tous de gagner les grandes courses, Le Mans est la plus importante, et d’être avec un grand constructeur. Cadillac est le bon endroit pour moi, ils donnent les moyens, demandent ce dont on a besoin et fournissent. C’est ce  qu’un pilote ou un ingénieur peut espérer de mieux. Mais avec ça vient aussi une grande exigence. Je ne me sentirai pas bien si je ne livre pas les résultats que Cadillac attend. Donc il faut continuer à travailler dur…

©️ Cadillac Racing / WTR

Quatre Cadillac au départ du Mans, c’est un vrai engagement de la part du constructeur

« Oui, c’est un signal fort et d’implication de la part de Cadillac. Et quatre autos, cela fait sens. Et il ne faut pas oublier que Porsche a appris avec cinq ou six voitures sur deux championnats. Cadillac en aligne maintenant cinq en permanence (trois en IMSA, deux en WEC). On travaille très étroitement avec Action Express, Wayne Taylor Racing et Jota. C’est un seul « monde » et il est très important et fort. Jota est une grande équipe, Action Express aussi, et chez Wayne Taylor, il y a d’excellents pilotes et ingénieurs. Je suis convaincu que, petit à petit, on va rapprocher les résultats. Je sais que nous serons là, il faudra compter sur nous car tout le monde travaille très dur pour performer au Mans. Le programme lui même demande beaucoup d’argent, implique beaucoup de gens. Il est normal que Cadillac attende des choses en retour. »

Mais Le Mans, ce n’est pas facile, surtout pour une structure américaine.

« C’est vrai. Jota connaît Le Mans depuis 15 ans. Ils vont nous guider. Action Express n’a que deux participations en Hypercar. et pour Wayne Taylor Racing, ce sera la première. Beaucoup de mécanos, d’ingénieurs, n’ont jamais mis les pieds en France. Seuls les trois pilotes et le patron (Wayne Taylor Senior) connaissent. C’est un vrai saut dans l’inconnu. Et face à nous, il y a tellement d’équipes très expérimentées et d’excellents équipages. C’est un peu comme si on amenait ces équipes à Daytona sauf que ce n’est même pas comparable, car le marché américain est plus fermé. 

©️Facebook Filipe Albuquerque

Les Européens connaissent déjà un peu les USA (avec Austin) et le monde entier, le WEC va au Qatar, au Brésil, au Japon. Donc c’est plus facile pour un team européen de venir aux USA, l’inverse est plus dur. Ce que l’on va faire, c’est qu’on va travailler comme une seule et même équipe au Mans. On aura quatre voitures côte à côte, on partagera les données, les informations et touts les pilotes se connaissent très bien. Will Stevens pilote ma voiture, par exemple, en IMSA (Endurance Cup), il a même un baquet prêt dans la mienne s’il faut. C’est ça, la vision d’Eric Warren (directeur exécutif de GM Motorsport) : une unité forte, tout le monde va dans la même direction. Mais il faut du temps. Porsche non plus n’a rien gagné la première année et ils n’ont toujours pas gagné Le Mans. Mais ils avaient quatre voitures officielles, plus deux privées. Ça aide. »

Et d’un point de vue plus personnel ?

« Je suis très heureux d’être aux 24 Heures du Mans, une course que j’adore. Je me sens chez moi avec Wayne Taylor Racing. Je roule avec Ricky (Taylor) depuis cinq ans. Je connais très bien Jordan aussi (qui est sur la n°40 aux USA avec Louis Delétraz). Ils sont comme des frères, je suis un peu le fils adoptif de la famille. Tout le monde est motivé. Ils veulent profiter au maximum de l’expérience des Européens, et des anciens du Mans. On est là pour ça. »

©️IMSA

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