Le Lone Star Le Mans (6 Heures d’Austin) devait confirmer les progrès d’Alpine avec sa A424. Depuis le début de l’année, c’est surtout la n°36 de Schumacher, Gounon, Makowiecki qui avait marqué des gros points : 3e à Imola, 3e à Spa. Boostées par cette belle dynamique, au Mans, les autos bleues étaient restées en retrait avec une 9e et 10e places avant de rentrer définitivement dans le rang à Interlagos, 9e. «Après deux courses plus délicates, l’objectif est clair : retrouver un rang plus conforme à nos attentes et marquer de gros points » annonce Philippe Sinault, Team Principal Alpine Endurance Team, avant la course. « La pause a permis de recharger les batteries, mais surtout, de tirer des enseignements de ces derniers mois ; et ainsi, d’aborder ce rendez-vous avec la ferme intention de montrer un autre visage. Le Circuit des Amériques est l’une de ces pistes que nous retrouvons avec plaisir, où nous nous attendons à performer, et nous aurons à cœur de le démontrer en piste pour reprendre la dynamique amorcée à Imola et Spa-Francorchamps. » La couleur était donc annoncée.
Sur le sec, les performances entrevues en essais libres et en qualifications (6e place sur la grille pour Charles Milesi) à Austin laissaient espérer un solide résultat. Mais la pluie omniprésente a mis en évidence les limites de la voiture et de l’équipe dans des conditions extrêmes, transformant ce rendez-vous en une occasion manquée. L’un des constats les plus clairs est la forte dépendance de l’A424 à l’état de la piste. Alpine avait misé sur un retour rapide au sec, en réglant ses voitures pour maximiser l’efficacité dans ces conditions. Or, la pluie n’a quasiment jamais cessé. Dès lors, les deux prototypes ont souffert d’un manque criant d’adhérence, incapables de rivaliser avec les concurrents directs comme Ferrari, Toyota ou Porsche, mieux armés pour gérer l’aquaplaning.

L’incident de Frédéric Makowiecki, victime d’aquaplaning abimant l’arrière et l’avant de l’Hypercar tricolore, obligeant les mécaniciens à changer plusieurs blocs, illustre ce déficit. Loin d’être une faute individuelle, cette sortie souligne le manque de stabilité de la n°36 sur piste détrempée. Même la n°35, pourtant mieux placée, n’a jamais pu tenir son rang dans le top 10. La brève prise de la tête de course par Ferdinand Habsburg, dans un moment de confusion sous voiture de sécurité, n’a été qu’un feu de paille vite éteint par le drapeau rouge.
Sur le plan stratégique, Alpine n’a pas eu de véritables cartes. Les neutralisations, dont la longue initiale, auraient pu être exploitées pour regagner du terrain, mais l’écart de performance sous la pluie a annihilé toute tentative comme le résumait Nicolas Lapierre, directeur sportif : « Nous avons tenté des choses sur le plan stratégique, mais cela n’a pas payé. Nous avons clairement souffert d’un manque d’adhérence et de rythme sous la pluie. À nous d’analyser ce qui s’est passé pour revenir plus forts. »

Les témoignages des pilotes convergent : impossibilité d’attaquer. Paul-Loup Chatin et Charles Milesi soulignent le manque de grip et la difficulté à se maintenir au rythme des leaders quand Jules Gounon, pour sa première expérience sous la pluie avec la voiture, évoque un apprentissage plus qu’une frustration. Tous pointent le même problème : Alpine doit trouver des réponses techniques pour être compétitive dans ces conditions.
Ce double classement hors des points met fin à une série de quatre courses où Alpine avait toujours réussi à sauver un résultat. Si les progrès sur le sec sont indéniables, Austin rappelle que la voiture reste vulnérable sur piste humide. Plus encore, la gestion de l’incertitude météo apparaît comme un axe de travail majeur, tant dans le choix des réglages que dans la capacité à réagir en course.

Le prochain rendez-vous à Fuji sera crucial. Non seulement parce qu’il faut rebondir, marquer des points au championnat Constructeurs, mais aussi parce que le circuit japonais, au pied du Mont Fuji, est connu pour ses changements climatiques soudains. Alpine devra démontrer qu’elle a su analyser Austin pour combler ses lacunes. Philippe Sinault dresse le bilan d’Austin, confirme ce déficit de performance, des autos réglées pour le sec et se projette déjà sur l’Asie. « Le sentiment qui domine est évidemment la déception. Nous avions réalisé une belle semaine de travail, avec la satisfaction d’avoir retrouvé un bon niveau de performances. Tout s’annonçait plutôt bien, mais la pluie est venue bouleverser nos plans. Avec les outils à notre disposition, nous avions anticipé un départ sur piste humide avant un retour au sec. Finalement, la quasi-totalité de la course s’est disputée sous la pluie. La décision de lancer l’épreuve dans de telles conditions était audacieuse. Il était difficile de prévoir une telle évolution et nous étions partis avec une voiture davantage réglée pour le sec. Nous avons repris des couleurs lorsque la piste s’est asséchée, mais trop tard. Nous n’avions tout simplement pas assez de rythme dans ces conditions, et nos pilotes ont énormément souffert. Nous avons été spectateurs alors que notre ambition était d’être pleinement acteurs compte tenu du travail fourni toute la semaine. » L’équipe devra prouver au Japon (du 26 au 28 septembre) qu’elle est capable d’inverser la tendance.