Retour sur la trajectoire de la marque de Dieppe à travers les années qui l’ont amenée vers ce premier succès en Hypercar. En plus le jour de la 100e course du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA. Cette victoire intervient moins de deux ans depuis le Qatar 2024, une success story assez rapide !
Depuis sa création, Alpine a toujours cultivé un lien fort avec l’endurance même si elle a beaucoup brillé par le passé en Rallye. Dès les années 1960, la marque fondée par Jean Rédélé en1955 s’y engage, en passant par les petites catégories en premier (1000 à 1150 cm³, classe 1151 à 1300 cm³, etc…) avec un objectif clair : briller aux 24 Heures du Mans. En 1973, la marque apparait en prototype avec l’A440 qui deviendra l’A441, cette dernière faisant le Mans en 1975 (catégorie 1600 à 2000 cm³). L’année suivante, une A442 (Jabouille / Tambay) est alignée en Sarthe en Groupe 6 mais elle ne verra pas l’arrivée. Cependant la machine est en marche. Si en 1977 aucune des trois A442 ne voit l’arrivée en dépit de la pole position de Jean-Pierre Jabouille, le succès arrive en 1978 lorsque l’Alpine-Renault A442B de Jaussaud / Pironi s’impose dans la Sarthe, offrant à la France une victoire mémorable face à Porsche.

Après une longue parenthèse, Alpine fait son retour en compétition en 2013 grâce à l’équipe Signatech de Philippe Sinault. Engagée en catégorie LMP2, la marque tricolore retrouve rapidement le chemin du succès : titres en European Le Mans Series (2013 et 2014) puis en WEC (2016 et 2019) et des victoires en LMP2 aux 24 Heures du Mans (2016, 2018 et 2019). Le passage à la vitesse supérieure s’opère en 2021 avec l’engagement d’une Alpine A480 dans la catégorie reine du WEC, l’Hypercar. Ce prototype, basé sur une ancienne LMP1 (châssis Oreca basé sur la Rebellion R13), permet à la marque de se mesurer à Toyota et Glickenhaus (avec Nicolas Lapierre, André Negrão et Matthieu Vaxiviere). Malgré des moyens plus limités, Alpine décroche deux victoires en 2022 à Sebring et à Monza. Mais derrière tout cela se cache un projet Hypercar : l’ambition est de construire une propre LMDh.

En 2023, Alpine quitte la catégorie Hypercar, le prototype engagé pendant les deux précédentes saisons sous le nom A480 n’étant plus compatible avec le règlement en vigueur. Décision est prise de revenir en catégorie LMP2 avec l’engagement de deux Oreca 07 tout en planchant sur la future Hypercar. Conçue sur une base Oreca, équipée d’un V6 bi-turbo Mecachrome, les débuts de la nouvelle A424 sont logiquement compliqués avec un double abandon au Mans en 2024, mais un premier podium intervient dès Fuji la même année (3e avec Nicolas Lapierre, Mick Schumacher, Matthieu Vaxiviere).
2025 démarre bien mieux avec deux nouveaux podiums à Imola et Spa. Il faut préciser qu’un joker a été utilisé pendant l’hiver au niveau du moteur. Aux 24 Heures du Mans, les deux A424 franchissent la ligne, signe d’une fiabilité retrouvée même si le résultat reste modeste (top 10). Après des manches de Sao Paulo et COTA compliquées, Alpine brille à Fuji pour la 100ᵉ course du WEC, confirmant ses progrès. Un léger coup de pouce de la BoP (+6 kW de puissance), des faits de course et une équipe plus rodée permettent à Alpine de s’offrir la victoire tant recherchée, et sa « vraie » première, en Hypercar.

Le mérite en revient à toute l’équipe Signatech de Philippe Sinault, le directeur sportif Nicolas Lapierre et aux pilotes, en particulier Frédéric Makowiecki qui a apporté toute son expérience avec Porsche. Ce dimanche, ce sont ceux de la n°35 qu’il faut saluer : Ferdinand Habsburg, Charles Milesi et Paul-Loup Chatin. A l’issue de la course, ce dernier a d’abord tenu à saluer ceux qui partagent son aventure depuis deux ans : « je veux d’abord parler de mes incroyables coéquipiers. Depuis deux ans, nous partageons le développement ensemble. Nous avons connu de superbes moments, mais aussi des passages difficiles en piste. Je crois qu’aujourd’hui, c’était écrit que nous devions gagner ensemble. » Un succès qui résonne particulièrement fort pour le pilote : « en 2015, à Fuji, avec Alpine en LMP2, nous avions terminé deuxièmes, ce qui était le premier podium pour Alpine. Aujourd’hui, gagner ma première course en Hypercar avec cette équipe, dix ans plus tard est quelque chose de très spécial. »
Charles Milesi, qui jouera aussi dans quelques jours le titre ELMS avec VDS Panis Racing, était aussi aux anges. « C’est incroyable parce qu’il y a des jours où tout semble s’aligner, où l’on se sent totalement en phase avec la voiture, comme si rien ne pouvait nous arrêter. Dans mon dernier relais, j’ai eu cette sensation de ne faire qu’un avec l’A424. Rien n’aurait été possible sans le travail exceptionnel de l’équipe et de mes coéquipiers en amont. L’an dernier, j’avais fait une erreur et détruit la voiture, c’est donc une belle revanche. C’est la première victoire d’Alpine avec l’A424, et la remporter ici, au Japon, dans une course aussi symbolique (la 100e, ndlr), ça a vraiment une saveur unique. Le rythme en qualifications n’était pas parfait, mais en course, on a réussi à tout mettre bout à bout. C’est une victoire d’équipe avant tout. »

Philippe Sinault, véritable cheville ouvrière du projet Alpine en Endurance et en Hypercar en particulier, était évidemment ému à l’arrivée. « C’est une journée fantastique. Nous sommes tellement fiers, je le suis particulièrement de décrocher cette première grande victoire en Hypercar pour Alpine. Surtout après trois courses très difficiles pour nous. » Pour lui, le secret du succès repose avant tout sur l’humain. « S’il y a une chose à retenir aujourd’hui, c’est que la clé du succès est la confiance dans les ressources humaines, dans l’équipe et de ne jamais avoir peur. Si vous avez peur, vous ne pouvez pas réussir. Nous sommes restés concentrés malgré les trois dernières courses compliquées (Le Mans, Sao Paulo et COTA, ndlr). Nous avons gardé confiance ensemble, travaillé très dur et étions prêts à saisir toutes les opportunités pendant la course. C’est ce que nous avons fait. »
En quatre ans, la marque est passée d’un prototype de transition (A480) à un programme structuré et compétitif avec sa LMDh. Fuji 2025 en est la preuve et cet évènement restera dans les livres d’histoire : le premier succès d’Alpine en Hypercar le jour de la 100e course WEC. Peut-on maintenant viser plus haut ? Cette question est maintenant dans le camp d’Alpine dont le programme F1 souffre (dernier constructeur 2025) !
