À l’aube de sa 18e participation aux 24 Heures du Mans, Sébastien Bourdais revient sur les ambitions de Cadillac, l’arrivée de Jota dans l’univers de la V-Series.R, et les subtilités d’une édition 2025 qui s’annonce particulièrement relevée. S’il ne parle pas de « pincement au cœur », le Manceau revendique un plaisir intact, et une conscience aiguisée de l’instant présent. Entretien avec un vétéran affûté, lucide, et toujours animé par la passion.
Sébastien, content de revenir à la maison ?
« La météo est typiquement sarthoise, avec ces petites giboulées de juin. J’espère qu’elle va s’améliorer, apparemment ce serait le cas pour dimanche. La course est encore un peu loin, mais c’est toujours un plaisir d’être ici. On a une grosse structure qui arrive avec quatre voitures, donc forcément, il y a des ambitions chez Cadillac. »
Etes-vous fin prêt ?
« Je pense que ça met un peu de temps à se mettre en place avec Jota, qui découvre une voiture pas forcément simple à exploiter. Mais globalement, il y a du potentiel, il y a eu de belles choses. On a montré ce qu’il fallait faire, et aussi ce qu’il ne fallait pas faire. Si on parvient à être un peu plus propres et opérationnels, il y a clairement quelque chose à faire. On voit bien que tout le monde a affûté ses armes : le plateau est exceptionnel cette année, le niveau de performance est très élevé. On sait que ça ne va pas être évident, mais on est là pour se battre. On verra bien ce que ça donne à l’arrivée. »

Y a-t-il encore des choses à affiner pour la Journée Test et les essais ?
« Oui, parce que c’est la première fois que Jota roule avec la version Le Mans de la voiture. Le set-up évolue toujours un peu d’année en année, selon les conditions de piste et d’autres paramètres. Il y a toujours quelques variantes entre ce qu’on avait chez Ganassi et ce qui se fait aujourd’hui chez Jota. C’est pour ça que la période d’adaptation n’a pas été aussi courte qu’on aurait pu l’espérer. Il y a pas mal de choses à revoir, à repenser. Beaucoup de choses ont évolué dans les systèmes embarqués. Il faut reprendre les remarques, peaufiner les détails. L’ambition est évidemment de faire le mieux possible, mais la concurrence est rude. Toyota arrive avec « max puissance », alors qu’ils étaient à « puissance mini » à Spa avec un poids maxi… J’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre. Globalement, on se concentre sur notre propre performance. On n’est pas mal lotis, mais on a vu l’an dernier que notre voiture est très rapide sur un tour, mais qu’on a galéré sur la vitesse de pointe en course. Si on regarde les chiffres, ça risque de se reproduire. C’est un peu difficile à ce niveau là. Le but est de faire le week-end le plus propre possible, et la course la plus propre aussi. On verra ce que ça donnera. »
Si la météo est chaude pendant la course, il faudra gérer l’usure des pneus ? Ce sera compliqué?
« Ce n’est pas une piste particulièrement exigeante pour les pneus, en général. Après, si tu veux faire trois ou quatre relais, ça devient évidemment plus compliqué. Ce sont plutôt les conditions changeantes qui posent problème, comme l’an dernier. Passer de la pluie à une piste qui sèche, c’est toujours délicat. Tu ne sais jamais si tu dois rester en pluie parce qu’une averse peut encore arriver, ou si tu passes aux slicks. C’est toujours un peu le casino. »

Est-ce qu’il y a encore un petit pincement au cœur à revenir ici ?
« Pas un pincement, non. C’est une belle opportunité de disputer les 24 Heures dans des conditions idéales, avec un constructeur, pour jouer la gagne. C’est un honneur, un privilège. C’est ma 18e participation. On se retourne un peu sur le temps qui passe. On n’est plus des pilotes à former, on commence à voir qu’il y en a plus derrière que devant. Donc on profite encore plus de l’instant présent, parce qu’on ne sait pas combien il y en aura encore de Le Mans. C’est pour ça que je dis que cette phase-là est différente : on apprécie peut-être un peu plus que lorsqu’on était plus jeune, où on était uniquement focalisés sur l’objectif de gagner à tout prix. Mais cette course, elle choisit son vainqueur. Il faut savoir prendre du recul, et juste profiter du moment. »