Eduardo Barrichello dispute pour la première fois de sa jeune carrière le WEC en LMGT3. Il y pilote l’Aston Martin Vantage n°10 de Racing Spirit of Léman. Après une belle qualification à Spa, le jeune homme s’apprête à disputer ses premières 24 Heures du Mans non sans une certaine excitation.
Certes, il a un nom très connu mais doit se faire un prénom. Le fils de Rubens Barrichello compte déjà pas mal de kilomètres dans une voiture de course et n’est pas là par hasard. Le jeune brésilien explique comment il a démarré et comment il s’est retrouvé chez Aston Martin. « J’ai fait trois ans en monoplace aux USA, en Formule 4 et en USF2000, série dans laquelle j’ai été vice-champion. J’ai eu un contrat Toyota et suis venu en Europe. J’ai roulé en Formula Region European pendant deux ans, ce ne fut pas très bon, nous n’avions pas beaucoup de budget, mais Toyota m’a vraiment aidé dans les moments difficiles. Puis j’ai reçu un contrat de Toyota pour faire du Stock Car au Brésil. J’ai disputé ce championnat en 2023 et 2024. Fin 2024, alors que je me battais pour le titre de Stock Cars (il finira 3e), j’ai reçu un appel d’Aston. J’’avais déjà fait des essais pour eux fin 2023, cela s’était bien passé mais nous n’avions pas pu signer un contrat pour 2024. J’ai donc continué en Stock Cars, mais mon rêve a toujours été de revenir en Europe. J’étais frustré par les résultats que j’avais eus, je n’ai jamais eu une bonne monoplace donc quand j’ai eu l’opportunité… Tout s’est passé très vite, nous avons signé en quatre jours. J’ai tout fait pour être ici, j’ai attendu tellement longtemps pour avoir cette chance. »

Maintenant, il est intégré à Aston Martin Racing et à Racing Spirit of Léman. Au Qatar et à Imola, le jeune brésilien a dû apprendre une nouvelle discipline. « C’est très difficile, je suis habitué à ne dépendre que moi-même, être le seul à piloter. Je ne suis pas encore à l’aise dans la voiture, c’est très différent pour moi car je ne suis pas la « priorité ». Si je fais un super travail, c’est seulement 1/3 de la course, je dépends d’autres personnes. Ca a été très compliqué pour moi au début, être dans l’auto tellement longtemps, ne pas toujours pousser, parfois juste économiser de l’énergie et les pneus. C’est vraiment différent de ce que j’ai pu faire avant, je dois réapprendre quelque chose que j’ai appris à faire pendant 23 ans, mais je suis en train de m’améliorer. »
Pour aller de l’avant, il peut compter sur son coéquipier français, Valentin Hasse Clot, officiel AMR. « Valentin m’aide beaucoup. Il fait du très bon travail, m’envoie les caméras embarquées des dernières années et toutes les données. Il m’indique où sont les zones et les points de freinage, les commissaires, les arbres, etc… Derek (Deboer) et lui sont très importants pour que je progresse le plus vite possible. J’ai vraiment apprécié les deux premières courses avec eux. L’équipe est géniale aussi, ils parlent tous français et anglais, ce qui est très différent pour moi qui suis Brésilien, mais on s’entend très bien. »

En plus de s’habituer à l’Endurance et à ses spécificités, il doit aussi composer avec une auto qu’il connait peu. « La voiture est agréable et facile à piloter. C’est très différent de ce que j’ai pu piloter. Une GT3 est environ 7 ou 8 secondes plus rapide qu’une Stock Car, mais plus lente dans les virages qu’une monoplace, c’est très lourd, avec beaucoup d’aero. Je pense que je progresse, je m’habitue, mais on doit se répartir le temps entre nous. En essais libres, j’ai fait 8 ou 9 tours à Spa, c’est difficile d’avoir du temps dans la voiture. En qualif, c’était la première que j’avais des pneus neufs depuis le Qatar. Il y a aussi des pistes que je ne connais pas et celles que je connais, comme Imola, y piloter une monoplace et une GT3 est vraiment différent.»
Après une 9e place au Qatar et une 11e à Imola, un meilleur résultat est venu récompenser l’équipe française. Eduardo Barrichello a signé le 2e temps en Hyperpole LMGT3 aux 6 Heures de Spa et le trio de pilotes a terminé 6e de la course. « Nous avions un super voiture et l’équipe a fait un travail incroyable. C’est frustrant d’avoir fini 6e car nous avions un bon potentiel, mais avons eu quelques difficultés pendant la course. C’est assez bien cependant, nous avons montré que les deux Aston Martin étaient très rapides. Je pense que nous sommes dans la bonne direction et espère que nous allons continuer ainsi en vue de la plus grande course de l’année. »

Justement, Le Mans occupe une bonne partie de l’esprit du jeune pilote. Les 24 Heures du Mans, une course dont il a rêvé et qu’il va enfin toucher du doigt. Mais quand on lui demande comment il compte se préparer, il répond : « je ne sais pas comment (rires). Mon père l’a déjà disputée, Valentin aussi donc je peux parler avec eux, mais vous ne pouvez pas vous préparer. Depuis l’année dernière, mon plus long relais a été de 50 minutes en Stock Car, là je vais devoir faire neuf relais. Cela a toujours été un rêve d’aller au Mans et je ne peux toujours pas croire que je vais disputer cette épreuve ! Je pense que ce sera vraiment réel une fois que je serai en première séance d’essais libres. Je n’y suis jamais allé, je connais juste la piste sur simulateur. Je vais m’assurer que ma préparation physique est au top, ainsi que mon mental. »
Son père, Rubens, a fait le Mans en 2017 sur une Dallara P217 LMP2 de Racing Team Nederland. Il était aux côtés de l’ancien vainqueur 1988, Jan Lammers, et Fritz van Eerd. Ils avaient fini 13e (11e des LMP2) et cette expérience devrait certainement profiter à Eduardo. Il se confie sur sa relation avec l’homme aux 323 départs en Formule 1. « On parle beaucoup avec mon père. De plus, on était coéquipiers au Brésil en Stock Car. On connaît les forces et les faiblesses de l’un et de l’autre. On a développé une solide amitié, on est devenus encore plus proches. On s’appelle souvent pour se raconter notre journée, il me donne des conseils, son avis. Il ne me dit jamais ce que je dois faire, il me conseille, je suis adulte. Quand je l’ai au téléphone, je lui montre la voiture, mes télémétries, mes données, je les lui envoie mais aussi à tous mes amis, mon frère, ma mère. C’est bien parce qu’ils voient mes progrès. »
Ce qui surprend chez « Dudu », son surnom au sein de l’équipe, c’est sa fraicheur comme il nous le prouve pendant l’interview. « C’est génial d’être ici en WEC avec tous ces bons pilotes. Mon premier choc a été au Qatar. Je suis allé au briefing pilote et j’ai signé derrière les Magnussen, Rossi, Schumacher. »

La Formule 1 est très connue au Brésil mais Le Mans ? Sa participation et son nom vont peut-être mettre un peu plus de lumière sur l’Endurance au pays du football. « Ce n’est pas comme en France. C’est difficile parce que nous n’avons pas beaucoup de streamings, même si ca s’améliore. Les gens y prêtent plus d’attention, mais pas autant qu’en Europe. Quand le WEC est revenu au Brésil, j’y ai assisté en me demandant si je pourrais piloter un jour ce type de voitures. C’était génial. Beaucoup d’amis y sont allés et je sais que cette année, bien plus de gens y assisteront car cela gagne en intérêt. On a deux Brésiliens sur la grille (avec Augusto Farfus), comme l’année dernière. Cela donne plus de visibilité au Brésil et j’espère qu’un jour, ce sera aussi important que la Formule 1. »
Le fait d’être dans le giron Aston Martin va lui permettre de progresser. Mais le pilote de 23 ans ne souhaite surtout pas griller les étapes même s’il regarde l’Aston Martin Hypercar. « Je dois faire un pas à la fois. Le Mans sera seulement ma 4e course. Tout est nouveau pour moi. Il y a encore des boutons sur lesquels j’oublie de cliquer. Je suis vraiment 100% concentré sur mon travail. Je me suis préparé pour cette saison GT3. J’aimerais bien faire un essai en Hypercar, mais je n’y pense pas. Je pilote juste du mieux que je peux, donc une chose à la fois. » Et cela passera par un bon Le Mans…
