De retour en ELMS après son titre en 2024, engagé en IMSA avec Cadillac et toujours en quête d’une première victoire aux 24 Heures du Mans, Louis Delétraz enchaîne les programmes et les ambitions. Entre synergie avec ses coéquipiers, adaptation à une nouvelle voiture et frustration de ne pas rouler en Hypercar dans la Sarthe, le pilote suisse fait le point sans détour pour Endurance Live.
Louis, comment s’est passé votre retour en ELMS ?
« En fait, ça avait du sens. L’an dernier, avec AO by TF, on a remporté le championnat ELMS. On avait déjà disputé Le Mans ensemble en 2024 où on avait terminé deuxièmes en Pro/Am avec P.J Hyett . Il avait beaucoup soutenu le programme ELMS, et c’est en grande partie grâce à lui qu’on a gagné ce titre. Quand il a décidé de faire l’ELMS pour la première fois en tant que pilote Bronze, c’était logique de repartir ensemble. On a une excellente relation, c’est l’un des meilleurs pilotes Bronze, et on évolue dans de bonnes conditions avec une équipe que je connais bien. C’était une évidence, et je pense qu’on peut se battre pour un nouveau titre. »
Vous avez cette année un nouveau line-up , avec Dan Cameron (champion GTP IMSA en titre) qui rejoint l’équipage. Comment se passe la collaboration entre vous trois ?
« Très bien. Dan a beaucoup d’expérience. Il roule aussi en LMP2 cette année avec AO en IMSA, donc il y a une vraie continuité dans le programme. On partage nos expériences, et c’est quelqu’un de très performant, très sympathique. Ce qui est important, c’est qu’on a les mêmes idées pour les réglages de la voiture. On s’accorde très bien sur l’équilibre, ce qui est un gros atout. On pousse tous dans la même direction. L’un de nos points forts, c’est qu’on est amis, sans égo. On veut gagner ensemble, et ça fait toute la différence. «

Les 24 Heures du Mans approchent. Quel est le défi pour vous cette année ?
« Le but est clair : gagner. Et ce n’est pas facile. J’ai terminé deuxième en 2022, 2023 et 2024. En 2021, on menait la course et on a abandonné dans le dernier tour… donc cette victoire me fuit depuis longtemps. Ce succès compte beaucoup pour moi. Cette année, on veut tout donner, mais on sait que Le Mans choisit ses vainqueurs. Il faut rester humbles, faire notre travail du mieux possible, et se battre pour être devant. Et puis, je pense que le plateau n’a jamais été aussi relevé. Chaque année, le niveau augmente. Avec des Safety Cars bien placées, une voiture issue du programme Pro/Am peut même viser le classement général. Donc oui, ce serait fantastique de se battre aussi au général. »
Vous ne serez pas au départ du Mans en Hypercar avec Cadillac, frustré ?
« Oui, bien sûr. C’est frustrant. Le but était de rouler au Mans en Hypercar. Mais on savait dès le début qu’il n’y aurait que trois baquets disponibles chez WTR, pour quatre pilotes. Il y avait toujours cette incertitude sur les invitations. Je le ferai dans le futur, j’en suis sûr. Je suis encore jeune, et je ne doute pas que je roulerai bientôt en catégorie reine au Mans. C’est mon objectif. »

Vous avez piloté l’Acura en GTP, vous pilotez maintenant la Cadillac : quelles sont les différences au volant ?
« Il y en a. L’Acura, conçue avec Oreca, a une philosophie que je connais bien. J’ai toujours piloté des prototypes Oreca, donc c’était assez naturel pour moi. La Cadillac est basée sur un châssis Dallara, elle est donc très différente. Il y a des points forts, d’autres plus complexes à gérer. Le moteur atmosphérique, par exemple, n’a pas de « turbo lag » , c’est à dire que c’est très direct, très agréable, avec une excellente traction. L’objectif est de tirer parti des expériences de chacun. Chez Wayne Taylor Racing (WTR), certains pilotes ont roulé avec l’Acura, chez Jota d’autres avec la Porsche. On partage tout, on apprend les uns des autres pour progresser. »
Vous êtes également engagé en IMSA avec WTR : le début de saison a été un peu compliqué avec Cadillac. Comment l’expliquez-vous ?
« C’est vrai. On a changé de constructeur passant d’Acura à Cadillac. Ce sont deux philosophies très différentes. La voiture est complètement nouvelle pour nous : moteur, châssis… On doit tout réapprendre. Pendant ce temps, d’autres équipes comme Porsche Penske ou Rahal (BMW) ont trois ans d’expérience avec leur voiture. Mayer Shank retrouve une Acura qu’ils connaissent déjà. Nous, on repart de zéro, mais on a trois Cadillac engagées (Action Express, une, WTR deux) et on partage toutes les données. Ça nous permet de progresser plus vite. On vient de faire des tests, ça s’est très bien passé, j’ai bon espoir qu’on soit compétitifs dès la semaine prochaine (à Detroit, ndlr) pour aller chercher un premier podium. »

Comment gérez-vous cette double saison entre l’Amérique et l’Europe ?
« Les calendriers sont bien faits, ça fonctionne. C’est un vrai avantage pour nous, les pilotes, de rouler sur les deux continents. Plus on roule, plus on est affûté. Oui, il y a des décalages horaires, des voyages, du simulateur… mais on s’adapte. Ça fait 15-16 courses par an, c’est intense, mais c’est un privilège. On vit de notre passion, donc c’est un plaisir de faire tout ça. »
L’Hypercar au Mans pour vous : est ce que cela viendra du côté de l’IMSA ou du WEC ?
« Honnêtement, je ne sais pas encore. Aucune discussion n’a eu lieu à ce stade. Le programme Cadillac est global : cinq voitures engagées entre IMSA et WEC. On fait tous du bon boulot. Moi, je suis très heureux avec WTR et en IMSA, championnat que j’adore. On verra ce que l’avenir me réserve. »