En six mois, l’association Jean Rondeau a réalisé un exploit : restaurer une Rondeau M382 qui a disputé les 24 Heures du Mans afin qu’elle soit prête à prendre part Le Mans Classic. Plusieurs anciens mécaniciens de Jean Rondeau ont mis la main à la pâte pour rendre cela possible. Une belle aventure humaine qui aurait plu au regretté pilote.
Jean Rondeau a réussi à remporter les 24 Heures du Mans en 1980 avec la Rondeau M379 n°16 Le Point en compagnie de Jean-Pierre Jaussaud. Il l’a aussi réalisé cet exploit grâce à une équipe de mécaniciens passionnés acquis à sa cause. « C’était une aventure humaine inimaginable. Je pense que tous les ingrédients étaient réunis : on était jeunes, fougueux, engagés, passionnés et avec un esprit d’équipe démesuré » déclare Daniel Ménagé, mécanicien Inaltera puis Rondeau de 1975 à 1985 (responsable chaudronnerie et châssis) et trésorier de l’association Jean Rondeau. Deux ans plus tard, Rondeau décide de construire des M382. « Il n’y avait pas de problème de cohésion au niveau de l’équipe, c’était notre point fort, sachant qu’on est parti d’une feuille blanche au mois de novembre et que six mois après, il y avait deux, trois voitures prêtes, même s’il n’y en a eu que deux engagées. On a fabriqué sept voitures au total, on avait même fini par faire sous-traiter parce qu’on n’arrivait pas à fournir en termes de production. » Plus de quarante ans plus tard l’une d’entre elles a refoulé le circuit à l’occasion de Le Mans Classic (châssis M382 #003 Le Mans de 1982 à 1986). « Et on le refait cinquante ans après parce que les anciens sont encore là ! A l’époque, cette Rondeau a été vendue neuve à un client qui s’appelait Christian Bussi et qui a fait plusieurs fois Le Mans. Ensuite, il l’a vendue à Patrick Oudet et roulait sous les couleurs de Christine Laure et Vétir. Cette auto a aussi fait le championnat du monde. »
Daniel Menagé raconte la manière dont l’association a récupéré cette auto. « Quand Jean Rondeau est décédé, Charles James, Marjorie Brosse, les institutionnels ont décidé de créer une association. Ils ont fait le tour des anciens sponsors et réussi à réunir une belle somme. Monsieur Oudet vendait sa voiture à ce moment là, ils l’ont achetée et repeinte aux couleurs du département et la région et a été mise au Musée en 1986, dans son jus. Il y a deux ans et demi, les fondateurs de l’association nous ont contactés en disant qu’ils vieillissaient et que ce serait bien que les anciens de l’équipe Rondeau reprennent le flambeau. On a accepté et on a alors découvert que la voiture qui se trouvait au Musée appartenait à l’association. On s’est dit : « on prend l’association en main, on hérite d’une voiture, mais on en fait quoi? » On n’a pas hésité longtemps, on a décidé de la restaurer et de la faire rouler à le Mans Classic. »

Le souci est que pour remettre ce genre d’auto sur pied, il faut pas mal d’argent. « On avait zéro euro en caisse. On a alors fait appel au mécénat. Notre histoire est restée en mémoire de beaucoup de Sarthois et même plus largement, donc on n’a pas eu trop de difficultés à réunir les budgets. » Les promesses de dons arrivent au fur et à mesure et aussi grâce à une soirée organisée à cet effet. « On a réuni pas mal de mécènes, on avait des promesses de dons plutôt intéressants. C’était mi-novembre. Quelques jours après, on annonce à l’ACO qu’on retirera la voiture car on a réuni suffisamment d’argent pour la restaurer. Mais à peine dit, ils nous appellent en nous disant de venir la chercher dans deux jours la Rondeau Belga arrivait et prenait sa place. On a profité du camion de la Belga pour charger la notre. Ça a été hyper rapide et aussitôt, on s’est mis au travail. »
Fin novembre, la restauration commence mais le faible nombre de personnes est un frein. « Le problème, ce sont les bras. En fait, dans l’association, on est huit anciens de l’équipe de base de Jean Rondeau, mais certains sont en Chine, Italie, dans le Nord, en Bretagne, en Normandie et que deux pauvres Sarthois condamnés à bosser matin et soir de 8 heures du matin à 20 heures le soir (rires). Depuis, j’ai dû perdre cinq kilos, il va être temps que ça s’arrête. » Mais pari gagnant : fin mai, il y a encore quelques réglages et quelques ajustements à faire mais elle est présentée à l’Abbaye de l’Epau le 1er juin. « Ça a été quand même une grosse aventure, mais je ne pensais pas qu’on allait en refaire une cinquante ans après. Les défis, c’est notre ADN, je pense. »

Le vendredi du Mans Classic, la Rondeau M382 a de nouveau roulé sur le circuit des 24 Heures, 39 ans plus tard avec Nicolas Beloou et Bastien Brière. Une vive émotion a étreint les membres. « On était un peu impatient de la voir rouler sur le grand circuit mythique des 24 Heures du Mans, parce que jusqu’à présent, on avait roulé à Lurcy-Lévis et au Vigeant, mais ça n’a rien à voir, rien ne remplacera le circuit du Mans. Quand elle a roulé au Vigeant pour la première fois, il y a eu des grosses embrassades et quelques larmes. Mais on attendait Le Mans et c’est beaucoup d’émotions ! »
Mais le projet n’est pas fini pour autant. Un élément est encore à restaurer. « Ce qu’il faut savoir, c’est que la voiture du musée n’avait pas de moteur. On nous a en prêté un pour le Mans Classic, mais le lundi, on n’avait plus rien. L’association en a racheté un d’occasion à 50 000 euros et il faut en remettre largement autant pour le restaurer. On espère que dans l’élan, on aura encore des mécènes pour nous aider. On a réuni les trois quart du budget aujourd’hui, il en reste un quart. » Un appel aux dons a d’ailleurs été lancé. Vous trouverez tout sur le site de l’association ICI.
Si vous êtes des passionnés de Jean Rondeau, nous vous conseillons la lecture de la BD sorti au moment des 24 Heures du Mans 2025 « 24 Heures du Mans 1979-1980 – L’Enfant du pays ». Disponible entre autres ICI.