McLaren F1 GTR : de sa naissance à sa victoire au Mans 1995

Cette année, il y a plusieurs anniversaires aux 24 Heures du Mans : les 40 ans de présence de Toyota en Sarthe, les 70 ans d’Alpine et les 30 ans de la victoire de McLaren. Nous sommes revenus sur ce dernier événement.

Lorsque Gordon Murray a conçu la McLaren F1 au début des années 1990, il n’avait qu’une seule ambition : créer la meilleure voiture de route au monde. Ultra-légère, propulsée par un V12 atmosphérique conçu par BMW et dotée d’un châssis en fibre de carbone (une première pour une voiture de série), la McLaren F1 était une superbe auto, mais rien ne la prédestinait à la course. Pourtant, sous la pression de certains clients fortunés et de partenaires intéressés, McLaren décide de modifier sa voiture pour en faire une version de compétition : la McLaren F1 GTR. Allégée (environ 1 050 kg), dotée d’un appui aérodynamique renforcé et légèrement dégonflée (selon les règlements GT1) à environ 600 chevaux (V12 atmosphérique BMW), la F1 GTR se lance en BPR (Jurgen Barth, Patrick Peter, Peter Ratel, championnat GT au milieu des années 90) puis arrivent les 24 Heures du Mans.

Les 24 Heures du Mans 1995 : une victoire inattendue

Inscrite en catégorie GT1, la McLaren F1 GTR ne vise pas la victoire au classement général. Sept modèles sont engagés et confiées entre autres à Lanzante Motorsport, GTC Racing, Gulf Racing ou encore West Competition. En face, on trouve les puissants prototypes WSC (World Sports Car), plus légers, plus rapides, conçus dès l’origine pour la compétition, qui semblent hors d’atteinte. On pense notamment à la Courage C34 de Courage Compétition pilotée par un trio magique : Bob Wollek, Eric Hélary, lauréat en 1993, et le grand Mario Andretti. Il y a aussi les Porsche K8 Spyder de Kremer Racing (Stuck / Boutsen / Bouchut) mais on peut aussi citer les Courage C41, la première Ferrari 333 SP (avec entre autres René Arnoux) ou encore les WR-Peugeot (Welter Racing) dont l’une signe la pole position (William David). Face aux McLaren dans leur catégorie, on trouve des Ferrari F40 LM, Venturi 600 LM, Honda NSX.

©️Racingshoots / Stéphane Cavoit
©️Racingshoots / Stéphane Cavoit

Le samedi 17 juin 1995 à 16h, la pluie commence à tomber et sème la panique. Les prototypes, plus puissants mais aussi plus nerveux, peinent. Dès les premières heures, plusieurs sorties de piste et pannes mécaniques touchent les favoris. Pendant ce temps, les McLaren, plus lourdes mais plus stables, naviguent. En début de soirée, Mario Andretti part à la faute dans les Virages Porsche et brise la suspension de sa Courage contre un mur. La réparation dure plus d’une demi-heure.

La nuit est longue et détrempée. Les prototypes et GT1 continuent de tomber : casses de transmission, problèmes électriques, aquaplaning, sorties de piste. C’est aussi une nuit stratégique où les McLaren gèrent les pneus pluie et carburant. JJ Lehto (n°59) impressionne en particulier dans ces conditions et forge, en partie, la victoire de sa voiture. Dans des conditions de visibilité quasi nulles, il signe des relais rapides et constants, doublant plusieurs prototypes. À l’aube, certaines McLaren sont toujours là et la n°59 est en tête, contre toute attente. La n°13 cravache pour revenir et échoue à 3 minutes de la McLaren victorieuse ! La voiture n°59, engagée par Kokusai Kaihatsu Racing, alignée par Lanzante Motorsport, avec le soutien de McLaren, et pilotée par Yannick Dalmas, Masanori Sekiya (premier Japonais vainqueur au Mans) et JJ Lehto, s’impose au classement général devant les prototypes.

©️ACO (D.R)

Trente ans plus tard, Yannick Dalmas se souvient de cette victoire  « Je pense que c’est la course la plus difficile que j’ai pu faire personnellement mais aussi mes coéquipiers de l’époque, JJ Lehto et Masanori Sekiya. Ils en ont aussi bien bavé parce qu’on restait à peu près entre deux heures et demie, presque trois heures dans la voiture. On en sortait, on était vraiment exténués par la concentration, vidé parce que les conditions étaient vraiment très difficiles avec toute cette pluie. Je sais qu’on avait vraiment besoin de se ressourcer entre les relais pour pouvoir se remettre. L’édition a vraiment été difficile. »

Pour sa première participation au Mans, McLaren décroche donc la victoire au général. Mieux encore : quatre McLaren F1 GTR figurent parmi les cinq premières voitures, une démonstration de fiabilité et de performance inédite pour une voiture basée sur un modèle de route.

1ère : n°59 (Dalmas/Sekiya/Lehto)

3e : n°51 (Bell/Bell/ Wallace)

4e : n°24 (Blundell/Sala/Bellm)

5e : n°50 (Deletraz/Grouillard/Giroix)

Cette victoire scella la légende de la F1 GTR, et plus largement de la McLaren F1. Elle reste aujourd’hui l’un des rares exemples d’une voiture de route transformée en GT ayant dominé la plus grande course d’endurance au monde.

©️Racingshoots / Stéphane Cavoit

Photos : ACO (D.R) et Stéphane Cavoit (Racingshoots)

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