La résilience de Patrick Barbier, patron de Spirit Racing of Léman

Résilience. Voici un mot très à la mode. Mais à travers l’histoire que nous allons vous raconter, vous allez vous rendre compte que ce terme n’est pas galvaudé ici. Patrick Barbier est à la tête de Racing Spirit of Léman depuis sa création. Pour la première fois de son existence, l’équipe dispute le WEC et a fait ses premières 24 Heures du Mans. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il a connu Le Mans avec une autre équipe, COOL Racing en 2020. Cependant cette première aventure ne s’est pas bien finie, mais il a su rebondir pour être présent au même endroit cinq ans plus tard.

En 2020, une Oreca 07 est engagée en WEC et donc aux 24 Heures du Mans. La n°42 est alors confiée à Antonin Borga, Alexandre Coigny et Nicolas Lapierre et finit 7e des LMP2 en juin. Mais dans la foulée, Patrick Barbier alors patron de COOL Racing apprend qu’il ne va pas pouvoir continuer avec l’équipe sous cette entité là. « En fait, c’est pas tout à fait ça » corrige-t-il. « On a pris un associé en début d’année 2020 et en fin d’année, il est parti avec le programme, les mécanos, les voitures, l’équipe technique. Ils sont presque tout partis et on a vite compris que la suite du programme serait sans nous. »

Le moral est très atteint mais pas l’homme. Pourtant, il n’y a plus de programme, plus de voiture, plus rien. « Je l’ai mal vécu pendant un mois et demi et puis, je me suis dit : « On ne va pas mourir ». Alors on a réfléchi à ce qu’il fallait faire, à ce qu’on savait faire. La priorité était de rester dans un des championnats ACO. » Très vite, le côté combattant refait surface et Patrick Barbier essaie de remonter quelque chose. « On a tout de suite essayé de mettre une voiture en Michelin Le Mans Cup, coûte que coûte. On avait plus d’auto à ce moment-là, on a appelé les gens de Ligier qui nous ont dit que ce qu’ils pourraient faire, ils le feraient pour nous. On a eu quand même beaucoup de soutien de pas mal de sous-traitants. C’est ce qui nous a permis de rebondir en grande partie. On a alors pu engager cette LMP3 en Michelin Cup. Parallèlement à ça, il nous fallait un autre programme parce qu’une voiture n’était pas assez. On est retourné vers la Midjet et c’est ce qui nous a permis de rester en vie. »

Le Mans 2020 ©️MPS Agency

Les deux programmes Midjet et LMP3 sont donc lancés et un appel va alors changer pas mal de choses. « Dès que l’annonce de la fin avec COOL Racing, on a eu un coup de fil de la part d’Aston Martin. Il faut savoir qu’en 2017 ou 2018, ils nous avaient déjà démarchés pour faire rouler des GT4. Mais on avait décliné la proposition parce que comme on avait le programme avec COOL Racing, on avait dit qu’on n’arriverait pas à faire les deux choses bien. Ben Bourdaire (responsable de la compétition client chez Aston Martin Racing) nous a donc appelés pour proposer de monter un programme. On s’est rencontrés, on a discuté, mais on n’était pas prêts en 2021 à faire rouler des GT4, on a donc plus misé sur 2022.

Tout se passe pour le mieux avec les Vantage GT4, mais dans la tête de Patrick Barbier, les 24 Heures du Mans trottent toujours. « Avec Aston, il y a eu une bonne relation et puis en faisant le point, en apprenant à travailler avec eux, on s’est demandé quel constructeur pourrait nous emmener au Mans. On a fait le point, on a regardé toutes les marques, tous les teams qui étaient avec chaque constructeur et quelque part ils étaient les seuls où il y avait le moins de teams raccrochés à eux. On a joué le jeu, eux aussi, on a pris des risques, mais je dirais que comme dans toute société, il faut en prendre. Je dirais qu’aujourd’hui, on a bien fait ! »

ELMS 2024 ©️MPS Agency

Les échelons sont grimpés les uns après les autres : la Michelin le Mans Cup en GT3 et LMP3, ELMS (avec les mêmes catégories) mais la structure française commence à lorgner sur le WEC. « Cela a été une question d’opportunités. C’est vrai qu’on a fait la Michelin Le Mans Cup que l’on a gagné. On est allé en ELMS, on fait le podium final, troisième en 2024 (à dix points du champion). » Et une opportunité rêvée se présente : « D’Station Racing a décidé d’arrêter le WEC. On a saisi cette chance, monté le programme, on s’est inscrit en WEC et on y est arrivé. S’ils n’étaient jamais partis, on serait toujours en ELMS. »

En juin 2025, l’Aston Martin Vantage n°10 (LMGT3) est sur la grille de départ avec Derek Deboer, Eduardo Barrichello et Valentin Hasse-Clot. Cinq ans après l’épisode de la LMP2, Patrick Barbier est de nouveau présent sur la grille avec toutes ces galére. De là à penser que la boucle est bouclée… On se demande cependant si après tout cela, il y  a une sorte de satisfaction, d’accomplissement ou de revanche. « Je dirais qu’il y a un peu de tout. Une revanche parce qu’on est de retour. La façon dont la scission avec Cool s’est passée, je dirais qu’il y a quand même un peu de rancœur qui reste. J’ai très mal vécu ce moment-là. Après, il y a de la fierté aussi d’être à nouveau au Mans et d’arriver à monter un programme en WEC avec l’appui d’un constructeur tel qu’Aston Martin. On espère être là pour plusieurs années et on travaille pour. »

Le Mans 2025 ©️MPS Agency

Justement, Patrick et sa fille Herminie, co-directriceRacing Spirit of Léman, qui a été un soutien indéfectible pour son père dans les moments durs, pensent au futur.  « La suite est rester en WEC, refaire le Mans et de tout mettre en œuvre pour continuer en GT3. On a pris l’option du GT et on y restera tant qu’on y aura notre place, qu’on sera performants, qu’on aura des pilotes contents, on sera avec Aston Martin. » La saison 2026 devrait beaucoup ressembler à 2025 avec un programme GT3 à deux têtes :  ELMS et WEC. « Peut-être aussi avec notre LMP3, mais les deux axes seront le LMGT3 ELMS et en WEC, ainsi que le GT4 Europe. Ce qu’on veut essayer de créer, c’est une filière de jeunes pilotes talentueux. Certains arrivent du GT4 chez nous puis vont en GT3, on veut continuer ça car c’est une fierté pour nous. Même vis-à-vis d’Aston Martin, je pense que c’est bien. On a toujours des jeunes qui sont à l’académie, on a envie de sortir des talents et idéalement d’en emmener au moins un jour au Mans… »

Quand, pour le taquiner, vu que son équipe est représentante officielle de la marque britannique, on évoque de s’occuper des Aston Martin Valkyrie qui roulent en Hypercar, la réponse ne se fait pas attendre… « Elles sont magnifiques, mais non, parce que ce sont des voitures compliquées. Ce n’est pas à notre image, on n’a pas les capacités, il faut être honnête. On sait ce qu’on peut faire et on sait aussi ce qu’on n’est pas capable de faire. »

Patrick et sa fille Herminie / Photo: Michele Scudiero / Drew Gibson Photography

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