Devenu chef d’orchestre du programme Alpine en Hypercar, Nicolas Lapierre savoure une montée en puissance : deux podiums à Imola et Spa, une fiabilité renforcée et une équipe enfin armée pour jouer les premiers rôles. À l’aube des 24 Heures du Mans, l’ex-pilote mêle lucidité et ambition sur la course, entre regard sur la jeunesse montante, volonté de transmettre dans un environnement qu’il connaît sur le bout des doigts et aucun regret sur son arrêt de carrière.
Trois courses, deux podiums. Beaucoup mieux chez Alpine…
« C’est chouette, on est sur une super dynamique. Le Qatar n’a pas été très bon pour diverses raisons, mais c’est vrai que depuis, sur des circuits vraiment différents, Imola et Spa, on a réussi à arracher deux podiums. Celui d’Imola était plus sur la stratégie, on a été assez agressifs en faisant un pari gagnant… et réussi. A Spa, c’était différent, on était en liste pour la victoire, on a passé pas mal de temps en tête. Donc deux podiums vraiment différents, mais qui font clairement du bien, qui montrent que l’équipe a progressé sur la connaissance de la voiture, l’opérationnel. C’est une bonne montée en puissance avant le Mans. »
On sent que l’arrivée de Fred Makowiecki a aussi fait beaucoup bouger les choses. Qu’est-ce qu’il apporte à l’équipe ?
« Son expérience, sa sérénité, sa motivation. Il a beaucoup d’atouts, clairement. Quand on l’a recruté, on imaginait ce qu’il allait apporter, mais c’est vrai qu’il a non seulement confirmé, mais même est au-dessus de ce qu’on attendait de lui. On voit qu’il adhère au projet, qu’il est heureux d’en faire partie. Du coup, il arrive à surperformer comme à Spa où il fait un début de course incroyable. On est sur une bonne dynamique. »

L’an dernier, cela n’a pas dépassé 6 heures au Mans. Qu’est-ce que vous avez modifié ? Comment avez-vous travaillé pour être beaucoup plus confiant et performant ?
« Déjà, en fin de l’année dernière, sur la deuxième partie de saison, on avait vraiment bossé sur la fiabilité. On a essayé d’apporter des solutions assez rapidement. Cet hiver, il y a eu tout un travail de fait plus en profondeur. J’espère qu’aujourd’hui qu’on est prêt pour faire ces 24 Heures sans problème de fiabilité. On a fait des tests d’endurance qui se sont vraiment bien passés et des milliers de kilomètres au banc. On a vraiment bien balayé tous les cas possibles. Après, le Mans reste le Mans. Il y a toujours une inconnue qui fait aussi la beauté de cette course. On part quand même beaucoup plus confiant que ce qu’on pouvait l’être l’an dernier. »
Vous avez une inexpérience de la nuit…
« C’est un peu dur aujourd’hui, surtout sur des pneus aussi spécifiques qui ne sont pas faciles à comprendre, medium, soft, la transition. On voit que beaucoup de courses se jouent quand même autour de ça. En 2024,on avait fait très peu de nuit et on a quand même un petit manque d’expérience par rapport aux autres qu’il faudra compenser. J’espère qu’on aura suffisamment de temps sec pendant les essais pour pouvoir tout balayer. »

Comment s’est passée la Journée Test ?
« C’était plutôt une bonne journée. Ce matin, nous avons eu un peu de mal à trouver les bons réglages, mais nous sommes clairement allés dans la bonne direction cet après-midi. Nous avons pu essayer différents trains de pneus dans des conditions variées et dérouler l’essentiel de notre programme. Le bilan est satisfaisant malgré le temps de piste perdu en raison des incidents. Les pilotes ont bien roulé en ont su éviter les faux-pas. Le rythme semble correct pour le moment. Même s’il est encore tôt pour tirer la moindre conclusion, nous semblons plutôt bien placés, ce qui est encourageant pour la semaine prochaine. »
Allez-vous garder encore un œil sur la CLX Motorsport (son équipe) et la numéro 37. Comment allez vous faire ?
« Non, je suis plus Alpine cette semaine. Après, j’ai de la chance que les deux voitures sont côte à côte dans les box donc ça me permet de jeter un œil discrètement sur leur progression, leur préparation (rire). Et on a aussi trois voitures à Road to Le Mans avec des supers équipages, des jeunes, je vais aussi suivre ça. Ça va être leur premier tour sur le circuit des 24 Heures. On essaie de caler tout dans l’emploi du temps, mais ce n’est pas simple (rire). »

Comment voyez-vous la course au niveau des concurrents ?
« Ferrari et Toyota vont être très solides, on le sait, on s’y attend. Après, sur les autres, c’est assez ouvert. Je pense que le peloton va être très serré par rapport à l’an dernier. On a vu en début d’année que les voitures étaient très proches les unes des autres. On s’attend à une course très disputée. »
Comment vivez-vous vos premiers mois dans ce nouveau rôle ?
« Je me régale. Je savais que ce rôle allait être quelque chose qui me plairait. Cependant, ce rôle est plus large que CLX, avec une structure différente. C’est un peu toute la partie que j’aime bien, les liens avec les pilotes, la stratégie, l’opérationnel. J’adore cela et je pense amener une plus-value et en plus sur une voiture que je connais parce que je ai roulé avec, je l’ai développée. Je connais bien les pilotes aussi. Globalement, l’environnement est assez familier. Même Bruno (Famin), Philippe (Sinault) sont des gens avec qui j’ai travaillé auparavant. L’environnement est facile pour moi. surtout pour une première dans ce rôle-là. Cela me facilite la tâche.

Est-ce que ce côté transmission auprès des jeunes pilotes est aussi quelque chose qui vous passionne ?
« Bien sûr. C’est plus le côté CLX Motorsport où on a vraiment des jeunes pilotes qui arrivent et on leur fait découvrir l’Endurance. Quand ils arrivent chez Alpine, ils sont évidemment à un autre stade de leur carrière. Mais c’est sympa de les aider à s’intégrer dans l’équipe, leur expliquer, les guider comment rouler cette voiture. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup ! »
A Bahreïn, ce n’était pas difficile le premier jour ?
« Honnêtement, c’est un choix réfléchi depuis plus d’un an. J’avais l’impression que c’était l’heure. C’était difficile aussi, vu le niveau du WEC, de mener mon équipe CLX et rouler avec Alpine en parallèle, à la fin. La dernière saison s’est bien passée, on termine sur un podium. C’était idéal de m’arrêter à ce moment-là et de ne pas faire une année de trop. Maintenant, les pilotes de WEC en Hypercar sont vraiment focus à 100% sur ce qu’ils font. On ne peut pas se permettre de faire autre chose à côté. Au final, j’ai trouvé un bon équilibre, une bonne balance avec ces deux équipes. J’ai la chance que ce soit deux projets qui fonctionnent bien pour l’instant. Je me régale »
