C’était dans l’air depuis des semaines. Les bruits de couloir, les rumeurs dans le paddock, … Et ce mardi, la nouvelle est tombée : Porsche met un terme à son programme Hypercar d’usine dans le Championnat du monde d’endurance de la FIA. Un choc, certes, mais pas une surprise totale.
Cette décision, prise à Stuttgart, est le résultat d’un ensemble de facteurs bien plus larges qu’une simple question de performances. Le constructeur allemand traverse une période de tension économique, marquée par la baisse des ventes de véhicules électriques et la nécessité de rationaliser les dépenses au sein du groupe Volkswagen. Dans ce contexte, l’endurance mondiale plus coûteuse, plus lourde à gérer, plus exigeante logistiquement a logiquement été pointée du doigt.
Mais au-delà de l’argent, il y a la philosophie. Thomas Laudenbach, patron de Porsche Motorsport, n’a jamais caché sa préférence pour l’IMSA. Un championnat plus “pur”, plus lisible, où la Balance of Performance (BoP) est perçue comme plus stable et plus transparente. En WEC, cette même BoP est devenue un vrai casse-tête et crée des frustrations, des incompréhensions, et parfois un sentiment d’injustice entre constructeurs. Personne ne l’avouera officiellement car le règlement interdit de critiquer la BoP sous peine d’amende.

Sur la piste pourtant, Porsche n’est pas largué. À Fuji, Laurens Vanthoor et Kevin Estre ont offert un nouveau podium à la 963, gardant en vie les espoirs de titre. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt : malgré son potentiel, la 963 n’a pas souvent eu les armes pour se battre à la régulière avec Ferrari comme on a pu le voir au Mans cette année. En Sarthe, la n°6 termine 2e dans les échappements de la Ferrari n°83 au terme d’une course parfaite. « Nous avons tiré le maximum de notre Porsche 963 et n’avons certainement rien à nous reprocher. Pendant la nuit, personne n’aurait pu imaginer que nous finirions sur le podium. Nous pouvons en être très fiers. Bien sûr, nous repensons à ce résultat avec une larme à l’œil : au final, il nous a manqué seulement 14 secondes pour remporter la victoire au classement général » commentait alors Thomas Laudenbach.
En se retirant du WEC, Porsche ne tourne pas le dos à l’endurance. La marque reste impliquée en IMSA avec Penske, dans un environnement plus cohérent à ses yeux et plus proche de son plus gros marché. Le programme américain, plus abordable, offre aussi un chemin possible vers Le Mans : si Porsche Penske décroche le titre GTP, il obtiendra une invitation automatique pour 2026. Mais encore faut-il que le règlement le permette, car désormais, un constructeur doit aligner deux Hypercars sur l’ensemble de la saison WEC pour être éligible en Sarthe.
C’est là que tout se complique. Le retrait de l’équipe d’usine laisse seule la structure Proton Competition, client privé de Porsche. Deux châssis, un budget limité, et beaucoup d’incertitudes. Si Proton réduit la voilure ou choisit de se concentrer sur l’IMSA, la présence même de Porsche au Mans pourrait être compromise.

En un mot : le départ de Porsche crée une onde de choc. Il redistribue les cartes du marché des pilotes, ouvre la porte à de nouveaux constructeurs comme McLaren, Genesis ou Ford, et poussera peut-être la FIA et l’ACO à repenser quelque peu leur modèle. Ce retrait n’est pas un adieu, c’est une pause stratégique, une réévaluation de priorités dans un contexte économique mouvant. Mais il rappelle une vérité simple : même les géants de l’endurance ne sont pas à l’abri des réalités budgétaires et des désaccords sportifs.
Et dans un paddock qui rêvait d’un âge d’or durable, la sortie de Porsche agit comme un signal : pour que l’endurance demeure au sommet du sport automobile, elle doit avant tout redevenir un terrain de jeu réellement équitable tant sur le plan de la performance pure que des budgets engagés.